Une raison d’exister

Voilà un être aimanté par le désir de beauté. Guidé par sa passion, Marc Raimbault trace son chemin depuis plus de trente ans. Cet ébéniste installé à Grez-Neuville s’inscrit dans une tradition séculaire. Sa recherche, si banale et si extraordinaire soit-elle, le conduit à tutoyer les essences de bois (palissandre, acacia, ébène de Macassar…) et d’autres matières (galuchat, parchemin, carbone…). Chacune d’elles est un gisement, une initiale, une source vive. De là naissent meubles et objets d’art, des œuvres de l’ordre des commencements, annonciateur de cycles, de souffles de vie, à l’orée du rêve.

L’activité créatrice de Marc Raimbault éveille en effet de multiples résonances, une constellation de signes qui se conjuguent avec invention, liberté, plaisir. La voie qu’il emprunte est celle de l’audace. Elle le conduit à signer un style très personnel qui se caractérise par une facture tantôt puissante et raffinée, tantôt sobre et naturellement élégante. Dans son aspiration à la perfection, l’ébéniste aime l’alliance entre la force de la matière brute, l’emploi de volumes simples et de lignes épurées, le tout dans une précision millimétrique. Mais la démarche de cet artiste ne saurait se réduire à cela. Ciselée et incandescente, son œuvre est aussi une manière d’esquisser l’invisible, de donner forme à une vision intérieure. Pour Raimbault, chacune de ses créations laisse entrevoir le cœur de sa pensée. Créer un objet d’art, c’est dire une expérience du monde.

Avec “Tas de bois”, il fait de l’ébène de Macassar l’image d’un arrière-pays, le surgissement d’une terre lointaine appelée à traverser le temps. Rehaussée de filets d’or, cette commode aux noires profondeurs nous invite à épouser l’horizontalité. Ailleurs, issue de la même essence, une forêt lumineuse se dresse vers le ciel. On songe aux Aktinolit, pierres-lumières d’un vieux temple de Prague. Créer c’est peut-être mieux accepter la mélancolie noire, s’ouvrir au roulement du monde, riche de nos survivances et, faire jaillir la soif de vivre et du désir.
Chaque création est un battement de cœur. C’est une rencontre avec l’Autre, avec soi, avec le temps. “La Batiaz” a la blancheur du lait ; c’est un poème visuel, un refuge d’intensité. Dans cette chambre introspective et solitaire qui s’ouvre et s’entrouvre… on pourrait y insuffler nos rêves, profonds et graves comme les sentiments qui durent une vie entière. Créer c’est recueillir un autre temps, celui qui inspire un paysage, la trace intime du souvenir, les contours d’un visage.

Il y a aussi tout ce qui appelle la joie, le désir de dépassement, la jubilation du présent et des possibles futurs. Oui, créer c’est parler de l’état des choses qui élargissent l’horizon. Rien de plus naturel, Marc Raimbault aime marcher vers l’inconnu dont l’épaisseur, loin de sa morne inquiétude, lui donne à saisir la force de la liberté.

Hélène Ribot


Photo : Jean-François Rabillon